Une journée bien ordinaire..

Membre Nombre de messages : 7 Age : 34 Date d'inscription : 29/12/2007

Marquise attira à elle un tabouret et y posa un quart de fesse le temps de souffler un peu. Une femme ravie quittait la boutique avec un superbe chapeau piqué de plumes chatoyantes et un portefeuille délesté d'une bonne liasse de billets.

Les trois ouvrières s'activaient, découpant des kilomètres de tissus, faisant tourner les machines à coudre à plein régime pendant qu'on procédait aux dernières retouches dans la cabine d'à côté.

La Plume de Marquise ressemblait, vue de loin, à un écrin précieux où scintillaient les perles et les paillettes, les étoffes précieuses, les plumes et les ornements qui coiffaient les élégantes de la capitale; tout était fait de sombre bois ciré, éclairé de douces lueurs dorées, moquetté d'écarlate et de rubis.
Dans la vitrine tapissée de taffetas pourpre, des bustes exposaient les dernières créations de la patronne, sans oublier les prix, pas trop voyants pour ne pas rebuter le client, et assez dissuasifs pour laisser sur le paillasson la racaille des basses couches.
L'endroit s'accordait au reste, luxe coquet et frivole, au parfum d'ancien et aux vagues réminiscences des échoppes de modistes de 1900.

Derrière le comptoir, la jeune vendeuse baillait aux corneilles. Ou plutôt au corbeau: un gros volatile noir au somptueux plumage semé de reflets métalliques sommeillait dans une grande cage en osier suspendue au plafond, ouvrant de temps à autre un oeil rond et ambré sur les clientes du magasin.

Marquise rappella son employée à l'ordre d'un claquement de talons lorsqu'elle se redressa. Ses vendeuses, couturières et ouvrières avaient vite prit l'habitude de lui obéir au doigt et à l'oeil, voulant à tout prix éviter de faire les frais des colères dévastatrices de leur patronne. Et puis, pour certaines, c'était l'aboutissement de toute une vie que de pouvoir parer les élégantes et travailler au milieu des lumières et du luxe tapageur du centre-ville.

Avec une petite moue satisfaite, Marquise traversa la boutique dans un froufrou de jupes et surveilla d'un oeil acéré les derniers ajustements d'une robe de bal, avec corset de soie grenat et un océan de jupons noirs, dentelles à foison et passementerie d'un brocard qui coûtait les yeux de la tête.

Affectant l'air snob de celles qui ont l'habitude de se faire ainsi servir, la cliente suivait les gestes précis de l'ouvrière avec la même vigilance que la patronne, tout en échangeant avec Marquise des propos convenus sur un ton compassé.
Celle-ci attendit que la couturière ait terminé son ouvrage pour inspecter le travail, repiquant une épingle par-ci, redressant un fil par là, sans émettre d'autre critique qu'un vague froncement de sourcils devant un ruban à la boucle disgracieuse. Ce qui était une petite victoire en soi pour son employée, car sa patronne était d'une exigence incroyable concernant la qualité des robes. Là, c'était du sur-mesure; pas droit à l'erreur, même infime.

Marquise abandonna là sa cliente lorsque la sonette retentit dans la boutique.
La valse régulière des visites et des commandes ne faisait que commencer, sous les arceaux de métal et la vérandas du centre commercial.

Même un chef d'Etat doit savoir se soumettre à certaines obligations. Cela semblait être une véritable loi universelle, une tradition particulièrement coriace qui était parvenue à traverser les âges jusqu'à maintenant. C'est ainsi avec une certaine colère, mélangée à une impression que les heures suivantes seraient particulièrement morbides, que Lilianne parvint enfin à garer sa voiture de luxe dans l'un des nombreux parkings de l'Alandura. Son mode de paiement ? Un petit badge collé au pare-brise arborant le symbole de l'Âme qui lui conférait un stationnement illimité et gratuit n'importe où...comme quoi même les privilèges aussi petits soient ils avaient également traversés les âges.

La Vierge de Glace sortit de sa voiture tout en prenant l'habituelle précaution d'enclencher le système d'alarme, de mettre ses lunettes protégeant ses yeux du Soleil, et la voici partie pour...faire du shopping...intrigant n'est-ce pas ?
Les talons de Lilianne claquèrent pendant quelques dizaines de minutes à un rythme saccadé, elle savait précisément où se rendre, mais étant donné l'affluence très importante à cette heure de la journée la seule solution demeurait la marche. A mesure qu'elle parcourait les avenues et les rues d'Armago, la jeune femme se rendait compte combien les choses avaient changées en à peine 3 ans. Les souvenirs de ce même endroit désert, jonchés à certains endroits de cadavres, lui revenaient parfois en mémoire lorsqu'elle repensait aux fléaux qui s'étaient abattus sur Gallisco. Maintenant les choses revenaient progressivement à la normale, et Lilianne avait bien l'intention qu'elles continuent dans cette voie.

Et voilà, le centre commercial était en vue. Cette immense bâtisse de béton, d'acier, de vitres et de lumières attirantes qui était l'un des coeurs de la consommation de cette ville. Des dizaines de milliers de personnes y allaient et venaient sans discontinuer, et Lilianne allait en faire partie aujourd'hui. Mais avant elle devait absolument faire quelque chose.

Quelque chose de vital pour garder son calme...

Fouillant dans l'une des poches de son veston, la jeune femme en extirpa un paquet de cigarettes presque terminé ainsi qu'un briquet. Fumer n'était pas autorisé au sein du centre, et probablement encore moins là où elle devait aller. Adossée contre l'un des gigantesques pylônes permettant de soutenir cette structure, Lilianne sentait au fur et à mesure des bouffées la nicotine faire son effet. Puis, la dernière bouffée tirée, elle jeta le mégot dans un cendrier non loin de là, puis entra dans le centre en se mélangeant à une foule dense.
Encore quelques minutes de marche, et voilà la demoiselle devant ce fameux magasin que ses conseillers lui avaient bien gentiment recommandé.

*Respecter le protocole...dans quelle merde est-ce que je me suis mise moi ?*

Son instinct la poussait à reculer, à ne pas entrer dans ce magasin au nom pourtant enchanteur, mais il semblait qu'elle n'avait pas d'autre choix. Alors, la jeune femme connue pour être l'une des chefs d'entreprise les plus richissime de Gallisco mais aussi un élément important de l'Âme entra. Elle entendit sonner à son passage une légère sonnette et attendit aux environs de l'entrée que quelqu'un vienne, observant pendant ce temps avec un mélange de surprise et de...dégoût les tenues qui étaient proposées...lui laissant pour le moment craindre le pire.
Qu'est-ce que l'Oeil venait bien faire ici ? Ah ça mes agneaux, vous le saurez par la suite.

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Marquise déboula en trombe dans la boutique et s'arrêta aussitôt sur place en reconnaissant celle qui se tenait à l'entrée de son magasin. Il était difficile de passer inaperçu avec un tel visage.. Cette femme ne semblait décidément pas humaine..

Repoussant son évident dégoût pour l'apparence de sa cliente, Marquise orna son joli minois de son plus beau sourire, celui qui l'aurait faite passer pour sainte auprès du plus extrémiste des inquisiteurs.

-Que me vaux l'honneur de votre présence? S'enquit la patronne en s'avançant doucement, avec les mêmes précautions que face à un fauve.

Un bref regard fusilla ses ouvrières qui se concentrèrent bien fort sur leur ouvrage, tandis que la vendeuse semblait muée en statue tant elle était immobile, les yeux droit devant elle, son visage dénué de toute expression.

Marquise n'appréciait que trés peu ce genre de personnes, mais se gardait bien de le montrer, tenant à la fois à sa tête et à son commerce. De toute manière n'était pas venu le jour où elle se permettrait de montrer ce qu'elle pensait réellement de ses clientes.....