Putain s'qu'on s'marre.

Une rue qui a sans doute connue des jours meilleurs, et un temps gris qui fou l’cafard. Un musicien au coin de la rue, un béret posé d’vant lui. On y distingue trois piécettes qui s’battent en duel, pas de chien pour l’accompagner. Putain, c’qu’on s’marre, la vie est belle du côté des cafards.

Il shoote dans une poubelle bancale, et s’éloigne le pas mal assuré et les yeux vides. Alec. La renaissance n’avait pas besoin de lui. Et on peut dire qu’il ne se passait rien de bien marquant ces derniers jours. Ainsi, c’est à errer et à faire la manche qu’on aurait pu le voir. Si tant soit est qu’on remarquait franchement la silhouette déliée qui se tenait là. Oui, tout compte fait il faisait partie des pires ombres du coin, l’air dégingandé et le regard insolent, mettant la vie au défit de les faire disparaître. Elle égrenait les secondes, minutes et heures, toujours de la même façon. Elle se moquait de tout et leur jouait de mauvais tour … Et de jours en jours, c’est en suffoquant que l’on s’éveillait et se mouvait, jusqu’à retomber dans cette saleté de léthargie que l’on ne quittait que bien plus tard.

Alec. Il a discuté, un peu, avec le pauvre homme qu’on ne distingue plus. Il a tourné le coin de la rue et continue sa marche dans but. Les docks sont sales et puants, les bateaux ont déjà déchargés leur chargement et les pêcheurs se sont retrouvés pour discuter de leurs prochaines prises. L’endroit semble désert. Ce n’est pas la première fois qu’il vient ici, ni la dernière. A croire qu’il aime les odeurs que la mer rapporte avec elle, les recoins sombres qu’il connaît par cœur, et les visages défoncés de ceux qu’il croise de temps à autre.

Un escaler mène sur le toit d’un des bâtiments des marins, mais il ne montera pas, pas cette fois. Les hauteurs ne l’attirent pas, surtout quand il titube à moitié et qu’il voit les marches danser la polka devant ses yeux. Hola ! C’est plutôt vers le bord de la travée qui longe la mer qu’il s’arrête. On n’se demanderait pas si ce n’est pas par hasard qu’il ne tombe pas la tête la première dans la flotte.

Aprés quelques secondes sans faire un mouvement, un autre que lui aurait sortis une clope et se la serait allumée en regardant les vagues, mais justement c’est de lui qu’on parle. Alors, après s’être affalé par terre, il se contente de rajuster son écharpe pour qu’elle cache ses lèvres et son nez. Il vire le rat de son nid douillet et le laisse vagabonder entre ses doigts, sur ses bras, et celui-ci de monter sur son épaule et de se replanquer entre les épaisseurs de l'écharpe. Aprés une tape affectueuse sur le nez du rongeur, Alec enfouis ses mains dans les poches de son fut délavé, c'est qu'on s'les gèle. Et pas qu'un peu.

[Ah, ah, c'est nul, pardon .__.]

"J'avais dit de la bonne ! T'appelle ça d'la coke ? Y'a moins de coke que de sucre dans ta merde connard !
- Oooh ! Regarde !! Regarde Hina !!"

La p'tite frappe basique, costume léopard violet des pieds à la tête (elle ne sait pas que ça fait des lustres qu'on ne s'habille plus comme ça...) confectionné avec amour par Maman, chapeau en plastic qui date de son dernier anniversaire, chaussures achetées chez le "Chauss Gratos" du coin (une paire de chaussures pour deux dollars, imbattable tant au niveau du prix que de la qualité), du genre "ouais je t'emmerde moi, j'suis Tony Montana !" mais qui chie dans son froc dès qu'on lui pointe une arme dans la tronche n'apprécie visiblement pas les insultes. La petite frappe a toujours avec elle un dizaine de copines pour faire style et montrer que elle aussi, elle a des amis et des connaissances haut placées. "Oui moi d'abord j'ai un ami qui tient une armurerie." (Elle omettra qu'on y vend que des mitraillettes à eau et des sabres lasers en plastoc). De plus, ses copines sont soit obèses, soit maigres comme des clous du genre à ne pas passer sa graisse dans les portes (pratique pour s'enfuir en toute discrétion) ou à se faire démolir en une pichenette. Celle-là commence à s'agacer. Harice est devenue un moustique. Elle s'émerveille devant la lumière orange aveuglante des lampadaires. Harice s'est mise au LSD. Harice dit qu'elle va essayer toutes les putains de drogue en circulation dans cette superbe ville. Harice dit qu'elle ira voir les gens de l'Ame pour les remercier. "Fais taire ta copine bordel !
- T'as déjà pensé à mâcher un chewing-gum ? Parce que là c'est une horreur." Oui. La petite frappe pense qu'avoir des bouts de métal sur les dents comme les rappeurs (genre, elle a une dent en or...) la rend plus impressionnante, mais comme elle ne veut pas les enlever elle ne se brosse jamais les dents. La petite frappe s'énerve très facilement, il suffit de lui faire une remarque sur elle ou sur sa Maman pour qu'elle se mette à aboyer. Par contre elle ne mord pas. Car elle n'a pas dents encore. Elle fait juste croire qu'elle en a.
"Tu vas avoir à faire à moi sale con !
- Ouais, ouais. Tu vas m'faire la peau avec ton pistolet à eau et ton épée d'bois ?"
Et avec ses copines, elle forme une belle chorale. Tous en chœur elles beuglent des insultes, tout ce qu'elles savent faire. Hina leur lance à la tronche leur "sucre" et dit : "Viens moustique." Et il attrape Harice par son pull.

Harice marche comme un canard et elle éclate de rire toutes les deux minutes. Hina a du mal à la tenir. Elle coure (toujours comme un canard) vers un musicien en riant. Elle dit, comme si elle venait de voir le petit Jésus en personne : "Ouaaaaaah !!" et elle lui fonce dedans. Et elle éclate de rire. Le musicien déconcerté se demande sûrement qui est cette folle. Hina ne s'excuse pas pour elle, après tout il n'est là que pour éviter qu'elle se jette dans le vide en pensant être un oiseau. Pitié ? Charité ? Non. Occupation. Non puis... Il l'aime bien sa Harice. Harice dit : "Ah, ah, ah, j'croyais qu'il était loin ah, ah..." Hina la tire par le col de son pull, et la jeune femme montre du doigt un type qui vient de traverser la rue : "Tu entends Hina ? Tu entends les jolies couleurs ?!" Hina ne répond pas (oui, oui, j'entends très bien les couleurs...) et tout en tenant toujours Harice par un bout de son pull s'allume une clope avant de balancer le paquet vide parterre. Hina prend toujours aussi soin de sa petite santé et de l'environnement qui, ma foi, sont déjà bien moribonds les pauvres. Ces deux petites merdes dépendantes de buvards à l'effigie de mickey, dépendantes de petits cristaux blancs, de beaux liquides verdâtres ou marrons arrivent sur les quais. C'est ici qu'un mois plus tôt Hina a rencontré Avatar. Le connard malgré lui de l'Ame. Celui qui a garanti encore pour un bout de temps la circulation de saloperies délicieuses dans l'Armansva. Il a garanti l'avenir de ces petites loques comme Hinatéa qui vendraient père et mère pour un gramme de merde. Malheureusement pour Hina, ses parents personne n'en voudrait. Et il ne sait même pas s'ils sont encore vivants. Et d'ailleurs il en a rien à foutre. Ces gens-là, il ne les connait déjà plus. Sa mémoire a rayé cette partie là de sa vie. Bye, bye. Un clodo se trouve affalé parterre. Hina pourrait dire "Bonjour chère loque !", entre confrères on peut bien se saluer. Certes Hina est pas encore clodo, mais il ne vaut pas franchement mieux. Etre défoncé dans un appart' ou dans la rue, le résultat est le même non ? Mais Hinatéa ne saluera personne, car de toute façon Hinatéa il n'est pas poli. Un rat se promène sur le sdf et Hina a cette pensée insensée qui imagine le rat affamé manger vivant son propriétaire. Mais non, si c'est son propriétaire il va pas le bouffer ducon... Ouais, mais... Hinatéa il a jamais compris à quoi ça servait les animaux. Notamment les rats, ça sert à rien, ça vit deux, trois ans puis ça crève dans d'affreuses souffrances. Ca éclate comme un balon ou ça fond comme une glace. Puis ça se débat des heures, des jours avant d'expirer. Hinatéa le sait parce que Johanie en avait une tripotée chez elle. La pauvre Johanie. Le/la moustique a encore fait des siennes. Elle vient de voir notre ami clochard et elle le regarde bizarrement. Puis elle crie, très sûre d'elle : "C'est lui !!!" et elle coure vers le jeune sdf "C'est lui quoi ? Mais tu l'as jamais vu de ta vie ! La conne... Harice !" Hinatéa tente d'empêcher l'écrasement de Alec par Harice, mais résultat Harice l'écrase quand même et Hina écrase Harice... Un beau méli-mélo. Enfin bon, ces trois là réunis doivent facilement peser moins de 150 kilos. Ouais les cocos, la drogue, c'est un sacré régime.

Alec est parti loin, très loin, il entend le ressac des vagues contre le béton de la jetée et ça lui suffit. Il est en plein voyage l’ami, même si le rêve n’en est pas vraiment un. Puis en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, il revient sur terre. Ah oui, le port. Et les vagues se font plus réelles, les odeurs bien présentes, et il entend des voix au lointain. Comme toujours.

L’air toujours aussi absent, il entend à peine les deux barjes arriver sur les quais, en fait leurs voix se perdent dans le bruit de fonds déjà contre ses oreilles. C’est que lui dans son trip, le regard perdu, et les mains dans ses poches, il aimerait bien se croire marin ou voyageur. Il aimerait pouvoir perdre son âme comme un de ses romantiques que l’on voyait … avant. Il voudrait avoir le temps de ne rien faire. Mais se laisser crever ça pas question ! La vie lui est chère, il s’en défend et si il doit se damner pour survivre il le fait.

« - Uh ? »

Il n’a pas le temps de se retourner totalement, ni de se relever, lorsqu’une fille pas plus âgée que lui ( En fait elle a quel âge ? Pas le temps de voir. ) s’élance vers lui comme s’il était une apparition, le messie ? Merci bien. Et déjà qu’il n’était pas très assuré le Alec, que ses deux jambes supportaient mal la position assise, le voilà qui ne peut plus respirer en moins de deux secondes.

« - Aoutch ... Putain bouges ! »

Il sait pas encore comment il a réussis à articuler, après deux essais où ils n’ont pas du entendre grand-chose. Et l’autre excité de rats qui manque lui bouffer le cou contre lequel il est écrasé. * Merde ! * Et il se rend compte qu’en fait ils sont deux, et il pourrait distinguer vaguement Hina si le bras de Janice tordu un peu bizarrement ne lui cachait pas entièrement la vue. Il se rend aussi compte que son buste est complètement étalé sur lui et que son corps à lui est dans une position pas très naturelle.

[ Pas mieux, uh. ]