Dernier rendez-vous ?

Deux yeux d’un gris glacial apparurent lentement et se posèrent sur la scène qui s’étendait face à elle : un homme, assis dans un confortable fauteuil, se tordait les mains dans tous les sens. Elle savait que son propre regard de « méchante-qui-va-te-manger-si-tu-prononces-un-seul-mot » devait faire peur mais le stress de l’homme n’était pas dû à elle, plutôt au papier qui se tenait bien allongé, tranquille, sur son bureau.

Elle resta de marbre. Cette carapace qu’elle s’était forgée dans la glace avait été tellement utile ces derniers mois… Qu’elle était désormais sur la pente raide. Non, Haven, cela n’est pas dû à ton attitude. Enfin je crois… Peu importe ! Il fallait qu’elle s’occupe du cafard qui lui faisait face, attendant que la guillotine se referme sur sa pauvre nuque. Quelle vision sanglante, tout de même.

« Vous êtes viré. »

Froid… Glacial même…
Trop peut-être. Mais l’homme s’y attendait de toute façon. Qui ne s’y attend plus, une fois convoqué dans son bureau ?
Dieu qu’elle détestait faire ça. Voilà qu’il se mettait à balbutier, qu’il voulait garder son travail et qu’une réduction de salaire ne lui déplaisait pas, qu’il pouvait faire des heures supplémentaires sans être payé, et blablabla… Mais cela faisait un mois qu’elle voyait passer ce genre d’énergumène, se promettant que le précédent était le dernier, avant d’en convoquer un autre, discrètement. Mais tout le monde dans l’entreprise en parlait dès le lendemain. Messia était en danger, et Valentine devait en venir à ces extrémités.
Le plus dur était de ne pas flancher.

Parce que côtoyer Wesley Martigan ne l’aidait aucunement à garder le contrôle sur ses émotions. Il avait même plutôt tendance à les exacerber, dans le bon comme dans le mauvais. Pourquoi ? Cela, elle n’en avait aucune idée.

« Mr Connor, il fallait y penser avant de vous endormir sur votre travail. Vous me coûter trop cher pour le temps libre que vous vous donnez le droit de prendre. Ma décision est sans appel. Au revoir. »

L’homme était mortifié. Haven soupira intérieurement. Elle fit glisser la feuille de licenciement vers son ancien employé qui sortit quelques secondes plus tard. La journée était terminée. Le soleil allait bientôt se coucher. Elle avait juste le temps de rentrer chez elle avant son prochain rendez-vous.

Mais elle n’avait aucune envie de rentrer chez elle avant d’y aller. Tant pis. Il lui manquait.

Et elle devenait sentimentale.

Pas bon ça.
Pas bon du tout.

Elle s’alluma une cigarette, et à travers la vitre de l’immense immeuble de Messia, observa le coucher du soleil, si peu était-il apercevable à travers les épais nuages et les aspérités de l’archipel. Messia se vidait lentement de son argent et de son personnel. Elle était sur la corde raide au dessus d’un ravin, et son seul espoir était d’atteindre le bord avant que tout ne s’effrite autour d’elle. Néanmoins, elle avait une aide précieuse dans ce tableau macabre : l’Halucian. Les ventes de cette petite drogue augmentaient calmement, lui rapportant assez pour couvrir les pertes de son entreprise, et même plus encore. Ce qui était… très bien.

Elle pouvait y aller. Elle saisit son long manteau noir, son sac, et sortit de l’immeuble. Chapeau sur la tête, elle monta dans l’une de ses voitures et démarra. Direction : l’Armansva.
Destination : l’Hôtel Antilles.
Pas des plus moins bondé, mais une chambre suffisait, et il était bien assez discret pour ce soir. Demain peut-être moins, alors il fallait penser à changer.

La voiture s’arrêta trois rues plus loin. Elle descendit, verrouilla. La rue était passablement déserte. Elle ne se remplirait que d’ici une heure. Elle en profita pour disparaître à travers les ruelles. Depuis la dernière mésaventure, elle avait toujours une arme à portée de main.

Elle arriva à destination sans encombre et demanda les clés de la chambre au responsable. Apparemment, elle était la première. Elle monta et entra dans la miteuse pièce, jetant son sac sur le lit, et allant fermer les rideaux avant d’allumer la blafarde lumière. Elle défit son manteau et s’assit sur le lit.

Elle avisa une araignée dans un coin et frissonna. C’était loin de ses rendez-vous dans des hôtels magnifiques avec de riches actionnaires ou des « collègues » de travail. Mais, étrangement, elle se sentait mieux ici. L’interdit ? Peut-être. Ce n’était certainement pas la crasse qui lui plaisait dans tout cela.

Peut lui importait les raisons, à vrai dire, elle en avait envie et c’était tout ce qui importait pour elle. Elle se sentait bien sans SES bras… Où était-il, d’ailleurs ? Elle regarda sa montre… Des pas dans les escaliers… Peut-être était-ce lui qui arrivait. Encore et toujours ce frémissement délicieux dans son estomac alors qu’elle l’attendait, impatiente.

Douze heures…Ca faisait douze heures que je travaillais sur ce dossier…Une histoire crade, un meurtre de sans abris… C’était devenu la mode à Gallisco, pas une journée sans que ce genre d’affaires ne surgisse…. Et la réduction des effectifs et des crédits ne résolvaient rien…On préférait éclaircir les enquêtes touchant les gens de la haute société… Bref rien ne changeait…

Je regardais un instant ma montre…Il allait être l’heure d’y aller….Oui ses derniers temps, une personne avait changé ma vie bien réglé… J’avais autre chose que le travail pour me sortir mes idées noires de la tête… Et depuis que je l’avais rencontré, oui, ma vie s’était amélioré…Les cauchemars notamment se faisaient plus rare…Et j’en avais bien besoin Je recevais parfois des lettres de ma fille, toujours aux mains de l’aide sociale mais j’avais commencé à me battre, à engager des avocats pour la sortir de là.

Je m’étirais, me levant…Pas question d’arriver en retard à mon rendez vous clandestin du jour… Je l’attendais fébrilement comme un lycéen attend son premier rendez vous… Direction le vestiaire et la sortie, l’enquête attendrait demain… Toute façon à quoi bon travailler sur un dossier que mon aimable capitaine se dépêcherait de classer sans suite…

Oui, je dois dire qu’on m’aurait dit ce qu je vivais à présent il y a quelques mois, j’aurai ri au nez de mon interlocuteur. Haven Valentine, la croqueuse d’hommes de la haute société avec un policier de seconde zone, un petit lieutenant insignifiant…. Et pourtant c’était arrivé cette espèce de conte de fée moderne. Oh je ne me faisais guère d’illusion, la belle trempait sans doute dans nombres d’affaires louches… Mais….Quand nous étions tous deux, toutes ses histoires s’évanouissaient. Nous n’étions pas là pour parler affaire mais… Pour partager quelque chose d’unique, un moment qui n’appartenait qu’à nous deux et à nul autre…

Je démarrais et après de nombreux détours pour m’assurer ne pas avoir été suivi, j’arrivais à destination…Un hôtel miteux bien loin des palais de conte de fée…. Mais pour moi, ce lieu valait bien tous les palaces de ce monde.

Je sors de la voiture m’avançant à pas lents…. Mon cœur qui bat de plus en plus vite…Pourtant ce n’est pas la première fois, loin de là que ce genre de rencontre a lieu. Mais à chaque fois c’était ça, j’avais peur…Peur qu’elle ne soit pas là, peur que je la déçoive, peur de toutes ses choses… C’était idiot mais Haven était devenu mon ancre, celle à qui je me raccrochais à cette vie… Et depuis que je la connaissais, effectivement je n’avais plus tellement envie de mourir, mais au contraire de me battre et de vivre…

La réception… Le gars à l’entrée me fait un signe de tête, elle est arrivé… Le type sait resté discret, c’est pour cela qu’on a choisit ce lieu Haven et moi… Un lieu à nous, sans personne pour nous gêner…

J’avance dans les escaliers et je respire….Odeur diffuse de son parfum qui m’enivre comme à chaque fois… Et mon cœur qui s’emballe encore plus, mes mains qui deviennent moites au fur et à mesure que la porte de la chambre s’approche…Respire Wesley, cache un peu de cette émotion qui t’envahit doucement a lors que ta main s’appui sur la poignée….

Puis la porte s’ouvre et je la vois….Silence qui s’installe entre nous alors que je la fixe lui souriant doucement tendrement…

Clac, la porte se referme derrière moi, nous laissant tous deux dans la pièce alors que je me rapproche d’elle… Un pas puis un autre….Et enfin proche d’elle, toujours l’observant telle une déesse, ma bouche s’ouvre :

Bonsoir Haven….

Alors que en un même geste ma main s’avance lui caressant doucement la joue….

C’était bien lui, j’entends la poignée s’abaisser, ses pas s’étant arrêtés face à la porte. Mon cœur accélère légèrement ses battements presque douloureux. Respire, moi, respire. C’est pas la première fois. Et je ne sais pas encore qu’il s’agit de la dernière. Pour moi, j’n’ai pas encore vu de fin à cette histoire. Pourquoi une fin ? On est bien, pour le moment. Pourquoi casser ça alors que c’est si bon ?

Oui, bon, de le voir enfin arriver, avec sa mine un peu fatiguée et son sourire chaleureux. Un instant, je m’imagine dans une grande maison, blanche, avec un beau jardin, dans le salon à attendre mon mari rentrant du boulot. Les enfants sont déjà au lit, bambins de deux et quatre ans. Et le souper est prêt, pour lui et moi,… Il ne manque plus que lui, que je vois ouvrir la porte, et que j’accueille avec ce même sourire qu’il m’adresse. Une belle vie, oui… Comme celle du commun des mortels. Comme ma mère ?… Vous ne vous imaginez même pas quel a été le calvaire de ma mère… Elle en est morte. C’est peut-être pas une si bonne idée, alors, après tout ?

Pourquoi je me torture volontairement comme ça ?
Je suis Haven Valentine ! Détestée désormais par le peuple de Galisco pour atteinte contre la société. Je suis innocente, mais ça ils s’en foutent. Ils ont trouvé un bouc émissaire qui n’a aucun pouvoir et donc qu’ils peuvent martyriser. L’Âme ne se laisserait pas marcher sur les pieds. S’attaquer à l’Âme, c’est être fou. C’est peut-être pour cela que je m’acharne à leur mettre des bâtons dans les roues ? Je suis folle. Bien sûr !

Clac ! La porte se ferme… Ah, Wesley, nous voilà enfin seul. Mon regard capture le tiens pour ne plus le lâcher. Tu te crois banal, mon petit Lieutenant, mais quand on y regarde bien, tu as une beauté à toi. Pas comme celle des hommes que je mets généralement dans mon lit. Eux, ils ne sont beaux qu’extérieurement. Intérieurement, ils sont forcément laids… sinon ils n’accepteraient pas mes avances.
Non, toi, tu as une beauté timide, cachée mais douce et agréable.

Comme ta main sur ma joue. Je fermes délicieusement les yeux à ce contact.

« Bonsoir, Wesley… »

Que dire ? Que demander ? Comment s’est passé ta journée ? Je m’en fous. Toi, c’est pas ton emploi du temps qui m’importe, mais juste toi. Egoïste, peut-être, mais je suis comme ça. On ne parle pas de nous, on ne profite que de notre présence. Et puis, poser cette question reviendrait à ce que tu me demandes ensuite ce que j’ai fait de ma propre journée. Effet d’imitation. Et ça, ça m’obligerait à te mentir, et tu sais que je déteste ça, Wesley…

Je réfléchis trop peut-être. C’est pas comme ça que doit se passer une relation normale. Pas dans un hôtel miteux, encore moins en secret, et j’en passe. Mais ce n’est pas une relation normale, tu le sais aussi bien que moi… Un jour, ça finira, et aucun de nous ne devra se lamenter. Moi je me réjouirais d’avoir passer ce mois avec toi, car à la base, ce n’était même pas sensé arriver.

Enfin, je dis ça, j’aurais sans doute une toute autre opinion dans quelques jours. Mais je ne le sais pas encore.

Je me lève, prenant doucement ta main dans la mienne, et t’accueille d’un tendre baiser. Douces lèvres… Je les aime beaucoup, tout comme ton corps d’ailleurs. Et après mon frère, c’est sans doute la relation la plus intense et la plus longue que je n’ai jamais eue, Wesley.
Le baiser se prolonge et s’intensifie.
Et j’ai envie de rester dans ce monde paradisiaque toute la nuit…

« Tu m’as manqué… »

Les mots traversent mes lèvres dans un murmure que je n’ai pas contrôlé. J’n’ai pas voulu dire ça… C’est sorti tout seul.

Haven, Haven que faisons nous ainsi l’un dans les bras de l’autre à rêver de cette vie qui aurait pu être la notre si nous n’avions pas été ceux que nous sommes, moi le policier et toi la femme d’affaire à la réputation sulfureuse. Et même si nous avions pu partir nous enfuir loin de ce monde cruel qui est le notre… Mon destin est là, ma mort se rapproche inexorablement et je ne veux pas t’imposer cela, tu mérites mieux ma princesse…

Penseras tu à moi, lorsque cette vie s’effacera pour moi ? J’espère que oui égoïstement, même si je souhaite aussi que tu trouves quelqu’un de ton milieu pour vivre enfin comme tu le mérites heureuse…

Et là après un premier baiser, ses mots…Si doux, si sincères à mes oreilles…Je t’ai manqué….Je te réponds sur le même ton :

Toi aussi Haven tu m’as manqué…

Et mes lèvres à nouveau de saisir les tiennes, de les caresser tendrement puis de façon plus appuyée, avant que nos langues se mélangent à nouveau, délicate danse sensuelle, symbole de notre relation secrète…ah que j’aimerai me promener en ta compagnie main dans la main dehors…Mais non ça n’est pas possible, aussi bien pour toi que pour moi…Alors je me contente de ses fugitifs instants de bonheur que tu m’offres…

Puis à regret nos lèvres s’éloignent….Je me les mordille comme pour garder ton goût sur les miennes, respirant ton parfum, tout en te gardant contre moi, ton corps contre le mien, précieux trésor que je ne saurai perdre.

Silence, silence, ma main caresse ta chevelure un moment, s’attardant doucement dessus, mon regard plongé dans le tien…. J’aimerais être à une autre époque, t’emmener sur mon blanc destrier, ayant pourfendu les vils brigands qui t’auraient kidnappés…Mais nous n’étions pas à cette époque et ton chevalier n’est que lieutenant de police…

Qu’importe nous sommes ensemble et c’est ce qui compte à présent…Que ça soit ici ou dans un palace, ce qui compte Haven, c’est toi et juste toi dans mes bras, ton corps épousant le mien.

Enfin doucement je romps le silence, d’une voix calme, mesurée, rassurante….

Alors, et toi quoi de beau ? Moi ses temps ci c’est boulot boulot, le gouvernement semble préparé quelques choses et on m’a mis d’astreinte…

Discussion bateau mais je n’aime pas trop parler d’affaires avec Haven… Je ne veux pas savoir dans quoi elle trempe, si elle rencontre d’autres hommes que moi… Non je ne veux vraiment pas le savoir car je sais que ce moment que nous vivons n’est qu’à nous, rien qu’à nous et je ne laisserais personne le gâcher…

J’ai envie de dire autre chose mais…. Les mots ne sortent pas….Pas encore peut être ?

Je ferme un instant les yeux et me laisse bercer par une musique que je me joue moi-même, dans ma petite tête. Un air doux de piano qui me fait m'envoler loin de cette vie qui est la mienne. Parfois, oui parfois, je rêve avoir été élevée dans une famille normale de Gallisco, ni très aisée, ni pauvre. Une belle vie. Qui m'aurait ôté tous les soucis qui ont peuplé mon enfance. Mais non. Lorsque j'ouvre les yeux, je suis toujours là, avec ma cicatrice, mon diplôme de chimie, la mort de mes parents, la disparition de mon frère dans ma vie, ma réputation, mon argent sale, mes drogues, ... . Je suis là dans tes bras, aussi. Et cela reste le point positif de cette journée, malgré tes paroles, Wesley.

Toi, le lieutenant torturé et maladroit, qu'est-ce que tu me caches ? Tes yeux se voilent devant une évidence que j'ignore pourtant. Tes mots doux murmurés sont sincères, mais il y a un regret dans ta voix. Qu'as-tu, mon cher ? Que me caches-tu ? Penses-tu qu'un jour, je puisse te trahir ou ne pas te croire ? Wesley, j'ai changé depuis que je t'ai rencontré... Pour toi, suis-je toujours cette femme facile qui court de lit en lit et de bureau en bureau à la recherche de plus de pouvoir, de plus d'argent, de plus de reconnaissance ? Non... J'essaye désormais de maintenir le navire que j'ai construit, que ma famille a batti, à la surface de ces eaux sombres galliscéènnes.

Je ferme encore un moment les yeux, plongeant mon visage dans la chaleur rassurante de ton cou, mes bras t'enlaçant. Cette nuit sera peut-être la dernière...

Il aurait peut-être mieux vallu qu'il désobéisse aux ordres, cette nuit-là... Mais cela aurait été comme demander à un chien de ne plus suivre son maître adoré...

« Tu es d'astreinte ?... Décidémment, ce gouvernement ne nous lâchera jamais, ni toi, ni moi. J'ai eu une longue journée, et j'aurais aimé avoir une longue nuit avec toi. Mais si l'on risque de vous appeler, d'un moment à un autre, Lieutenant, il serait temps de profiter du temps que nous avons ensemble, au cas où... »

Je plonge mes yeux dans les tiens, Wesley, et lentement, revient pauser mes lèvres sur les tiennes. Et mes bras, mes pas, qui nous attirent vers ce lit pourri qui nous tend pourtant les bras... Déshabille-moi, pendant que je te déshabille, ... Pourquoi parler plus longtemps alors que nous savons pertinemment tous les deux que nous raconter notre vie fera intervenir des mensonges ? Tu SAIS que je suis impliquée dans des faits que tu ne cautionnes absolument pas, Wesley, et tu ne dis rien. Alors ne m'oblige pas à mentir et vient là. J'ai envie de toi, pas des problèmes de ma vie. J'ai besoin de toi, pour les oublier ne serait-ce qu'une nuit. Je sais, c'est égoïste ! Mais je suis comme ça...

Mon pull blanc qui tombe à terre. Je l'ai acheté hier, il est beau non ? Rien de plus qu'une pièce de tissu qui tient chaud pour couvrir les formes que bien d'autres hommes avant toi ont pu admirer, caresser, ou tout simplement toucher, Marty, et pourtant...

Le blanc, c'est salissant. Et le sang ne part qu'à la javel...

J'étais là, dans tes bras, rien qu'à toi..
Nous étions là, si bien. C'était si bon, avec toi. Délicieusement bon. Un velouté de caresse et de désir, avec un soupçon ... d'amour...

Lorsque ce foutu téléphonne a sonné !

J'ai sursauté... Et c'en était fini de la magie du moment.

Que dire de plus….Encore une fois je rêvais éveillé, t’enlaçant de mes bras, ne me lassant guère de caresser et d’explorer ce corps délicat et beau qui est le tient, tandis que mes lèvres ne quittent les tiennes que pour épouser ta peau aux senteurs délicates…Oh Haven, Haven, que ne t’ai-je connu avant…Mais rien ne sert d’avoir des regrets et qu’importe le lieu, tu es là et c’est tout ce qui compte à ce moment… Que ne puis je te garder éternellement ainsi, contre moi, uni à jamais dans cette étreinte amoureuse qui est la notre…

Combien de temps passera ainsi ? Je ne le sais mon amour, toi à qui je n’ose avouer la profondeur de ses sentiments enfouis qui peuplent mon cœur. Mais il vaut sans doute mieux que ça se passe ainsi, de peur que tu t’enfuies face à la profondeur de ce sentiment qui fait frémir tout mon être….

C’est ainsi que perdu dans la sensualité et la douceur de l’instant, je crus un moment au bonheur…Un moment seulement, car c’est alors que la sonnerie de mon téléphone portable, damnée musique interrompit ce moment…. Soupir, soupir alors que j’hésite à répondre, ce qui ne me ressemble guère….Puis, sans te lâcher je cherche à tâton, dans le tas de vêtements répandus au pied du lit, l’immonde appareil…. Un dernier baiser sur ton front et te gardant collé à moi je décroche… Aussitôt la voix de mon aimable capitaine retentira en l’écouteur.

Martigan, enfin….On a besoin de vous, un gros coup….Je vous en dirais plus au briefing dans une heure au poste… Soyez à l’heure et reposé ça risque de chauffer.

J’acquiesce, tout en voulant dire non… Là où il y a quelques temps j’aurai bondit, content de rencontrer un moment d’action en ma morne vie, de pourfendre de vils suppôts du crime…Mais ça c’était avant de te connaître Haven, tandis que tu me fixes de ton regard superbe, interrogative…

Je soupire, jouant lentement de ma main droite avec ta chevelure…Que j’aime tes cheveux si soyeux ma princesse…

Le bureau…. On a besoin de moi dans une heure au central…. Une grosse affaire à ce qu’on m’a dit…Enfin tu sais ce que c’est, les obligations professionnelles…

Bête excuse, alors que mes yeux plongent en les tiens pour exprimer le contraire….puis avec un sourire…

Une heure…Si j’appui sur le champignon, il me faudra à peine un quart d’heure….

Et ce n’est effectivement que quarante cinq minutes plus tard que je me rhabille, encore haletant…Quelle extase, quel plaisir avons-nous encore partager Haven, ma tendre….Mais toute bonne chose a une fin n’est ce pas ? Et c’est en te fixant tendrement que je reboutonne ma chemise….Ca y est c’est fait….Quel déchirement à chaque fois que ses adieux tragiques de notre impossible amour…Un dernier et tendre baiser, intense et doux à la fois, comme notre premier baiser ce jour pas si lointain en mon bureau… Baiser qui s’éternise jusqu’à regret nous le rompions….

Soupir, soupir, puis sur ce dernier au revoir, je sors, alors que tu restes allongée en cette chambre…Et idiot que je suis-je sors sourire aux lèvres, persuadé naif que je suis que notre prochaine rencontre ne tardera point..

Si seulement mon don s’était déclenché, si seulement j’avais pu changer le sombre avenir qui se profilait quand à notre relation…

Quelle funeste tragédie que ce départ précipité…

Lentement, j’ouvre les yeux. Sonnerie… Damnée sonnerie… Son corps chaud contre le mien et le silence, c’est tout ce que je voulais. Je ne désirais que sentir la douceur de sa peau sous mes doigts, ses lèvres contre les miennes, et parcourant l’entièreté de mon corps, ou encore ses mains parcourant mes courbes. Je voulais qu’il m’aime, encore, ici et maintenant, même si mon amour à moi n’était pas véritable, même si mon propre cœur était déjà pris par un être que je ne nommerai pas. Du moins, c’est ce que je croyais.

Il s’écarte légèrement, afin de retrouver ce maudit téléphone réellement dérangeant. La sonnerie cesse enfin, dans un soupir. Ses lèvres caressent mon front, puis sa voix grave répond. Je n’écoute pas. Je referme les yeux et me laisse bercée par la douceur de ce lit, tout près de lui.

J’aurais dû avoir un doute, rien qu’un seul…

Puis le voilà qui raccroche et qui revient se coller à mon corps. Mon Wesley à moi… Qui aurait cru ? Qui aurait cru un jour qu’Haven Valentine finisse dans les bras de Wesley Martigan ? Qui aurait cru qu’elle aimerait ça ? Qui aurait cru que Wesley ferait un si bon amant ?

Moi, j’y croyais désormais, car je le vivais. Et j’en étais… heureuse ? Oui… Non ! Peut-être… Non, pas vraiment. Mais cela se rapprochait d’un certain bonheur. Je le savais fermement éphémère, mais cet obstacle là s’était dressé tellement de fois sur la route de ma vie, que je commençais à me demander si je n’étais pas maudite.

Les premières explications de Wesley me firent perdre tout sourire, jusqu’à me plonger dans une tristesse sombre que de voir ce rendez-vous se terminer si vite. Mais ensuite, le sourire qu’il fit naître sur son visage éveilla ma curiosité et je finis par sourire également en comprenant le double sens de ses paroles. Quarante cinq minutes à vivre encore un peu. Quarante cinq minutes pour profiter encore de la présence de l’un et de l’autre. Quarante cinq minutes… Repasser sous les draps et profiter encore un peu de la chaleur de ton corps et de ta fougue.

Puis tout recommence…

L’heure sonne le glas… Ou plutôt, le réveil programmé pour quarante-cinq minutes plus tard sonne que Wesley doit s’en aller. Etrange sentiment qui s’empare de moi alors, comme si… Non, cela doit être le fait que, d’habitude, c’est toujours moi qui part avant lui, toujours moi qui quitte la douceur du lit pour retourner dans le froid d’un pâle matin dans les bureaux de Messia…

Je les aimais bien, ces bureaux… Ils me rassuraient… Mais me rappelaient peut-être trop mon père…

Je l’observe se rhabiller. Je dévore encore un peu des yeux ce corps nu… Même vêtu d’un simple pantalon, il reste diablement attirant. Salaud, pourquoi tu pars ? Pourquoi t’as choisi ce boulot ? Pourquoi tu gardes ton idéologie alors que tu pourrais être avec moi, pour plus longtemps qu’un soir volé dans un hôtel miteux, comme deux mariés trompant leurs conjoints sans remords ?

Puis tu m’embrasses, encore une fois, d’un baiser qui me rappelle ce jour… notre première rencontre… Les larmes me montent aux yeux, mais je les refoule et je te regardes ouvrir cette porte, sans te retenir, sans te rappeler,… Je te laisse partir…

En me disant que nous nous reverrons…

Si j’avais su que c’était si tôt…

Pendant près de cinq minutes, je me mets à observer le plafond, sans penser à rien, profitant de cette odeur que tu as laissé dans l’air et cette chaleur qui persiste dans les draps. Puis je me lève, avec la lenteur d’un vieillard hagard qui ne sait plus trop où il en est. Et la métaphore semble tellement se rapprocher de la réalité que je me fige, fixant mes vêtements éparpillés sur le sol.

J’enfile mes vêtements en fixant la porte. Pourquoi personne ne m’a appelée, moi ? J’aurais eu quelque chose à faire en cette nuit triste, mais non… Alors, je décide de prendre mes propres rendez-vous et j’enfile mon manteau, rassemble mes affaires, efface toute trace de la présence d’Haven Valentine dans la chambre et ferme la porte à clé. Clé que je m’en vais rendre au réceptionniste à moitié endormi. Quelque argent pour payer et me voilà dehors, dans le froid glacial d’une nuit noire sans étoile.

La planque n’est pas loin, à seulement quelques rues d’ici…

» Un rendez vous attendu (ouvert)
» Haven Valentine... Etes vous certain de vouloir savoir ?