La roue tourne [Libre]

[Précédent : Hôtel Antilles]

Le temps passait vite. Matinée, journée, soirée. Le document avait été transmit à Calypso. Ce petit dossier qui contenait si peu. Une petite fille qui comptait tant. Tout ce travail, tous ces sacrifices, tout l'a mené seulement à ça ?... C'est, si pathétique.

Il avait marché, toute la journée durant, après avoir faussé compagnie à Calypso. Il n'avait rien eut à faire aujourd'hui, nul ne l'avait contacter mais ça ne saurait sûrement tarder. Pour une fois, il voulait boire, pas son habituel soda, il voulait de l'alcool, il voulait... Sombrer le plus profond qu'il le pouvait, et quoi de mieux pour cela qu'un petit bar un peu paumé près du port ? Le problème, car il y a toujours un problème, c'est que le seul bar ouvert servait aussi de scène de concert pour les groupes du coin. Qui dit concert dit forcément public, il ne serait donc pas seul... Mais il y a pire : qui dit concert dit musique... La musique, celle qu'il fuit sans pouvoir oublier, celle qui le fit monter au sommet, et en dégringoler, celle à cause de qui il est ici... Mais il n'avait pas le choix, il était déjà 22h et il était venue à pied jusqu'ici, laissant sa voiture à l'hôtel, pas le temps d'aller chercher un autre endroit moins fréquenter, alors il entra dans le premier venue.

A peine avait-il passé la porte que la musique l'entourait. Il s'arrêta derrière la porte et ferma les yeux, la musique, son éternelle amie, sa présente ennemie, comment la qualifier pour un homme qui l'aime à tel point qu'il veut l'oublier.
Mais il devait faire face, après quelque verres il ne s'en soucierait plus, la batterie, les guitares, la voix, plus rien n'aurait d'importance une fois qu'il serait imprégner de l'euphorie de quelques bouteilles vertes. C'est ce qu'il espérait.

Il s'assit au bar, le dos tourné à la scène -scène qu'il n'avait même pas daigné regarder- et il demanda une bière, c'était l'alcool le moins fort de la maison apparemment, Ava détestait ça, mais là il en avait besoin... Si le petit drogué rencontré au port il y a quelques mois était là il lui aurait peut-être emprunté une dose, le politicien. Le mois passé avait été compliqué et l'état d'esprit de l'ex-batteur n'arrangeait pas les choses du tout, ses sentiments étaient décuplés, de même que son impression de culpabilité, à cette allure là il ne finirait pas la semaine, peut-être même pas la nuit...
Force de l'habitude et reviviscence de souvenirs de ses débuts il finit tout de même par se retourner vers la scène. Sa bière n'était toujours pas entamée. Il se surprit à écouter ce qu'il se jouait... Réflexion faite, il connaissait ce gars qui chantait, ainsi que les musiciens... Certes, ils n'étaient pas des inséparables, mais ils avaient étés assez proches dans le passé, avant la mort des plus proches amis du politicien et son enrôlement forcé au sein de l'Ame. Mais ils ne se souvenaient sûrement pas de lui, alors que risquait-il à aller un peu plus près de la scène, sur une table.

Un peu plus près de la musique. Un peu plus près de son passé. Encore. Encore un peu. Toujours plus près. La scène est si proche qu'il sent le bois dont elle est faite. Le chanteur s'arrête, les musiciens suivent, en pleine chanson ? Pourquoi !
Le front man s'approche du bord de la scène, il s'approche d'un mec à l'air paumé, planté sur une table, une bière à peine décapsulée à la main. Et l'homme tend la main à ce gars au regard pensif. Sans réfléchir vraiment, le paumé attrape la main, et celle-ci l’emmènent plus haut, sur la scène, il est si haut, il fait si bon ici. La bière est restée en bas, elle n'a pas la place dans ce rêve. Le bois qui fait la scène, celui qui fait la batterie, chaque micro, chaque amplis, tout lui rappelait la gloire passé, mais il ne souffrait pas. Ses remords ? Il les avait oublié. On lui parlait, et le paumé redevenait Avatar.

"Mesdames et messieurs, je vous présente un bon amis à nous, un batteur excellent que je ne pouvais qu'inviter sur scène. Avatar..."

Son nom, c'était son nom qu'on venait de prononcer. Les étoiles dans ses yeux vont-elles finir par disparaître ? On l'a appelé, et il est face au chanteur qui l'étreint, Avatar ne peut rien faire, il ne veut rien faire. Cela fait si longtemps, si longtemps qu'il ne joue plus dans ce genre de choses, si longtemps que l'amour de la scène est masqué par l'amour de ses défunts amis, il ne veut plus de ça, il ne veut plus redevenir ce qu'il était, il deviendra désormais ce qu'il sera. Finit de subir, c'est à lui de tout écrire. Le micro était désormais coupé, les deux hommes enlacés ne parlaient plus que l'un pour l'autre une fois qu'ils se furent lâchés.

"Sa faisait longtemps, merci.
-Je savais bien que c'était toi quand je t'ai vue arriver, et puis, de toute façon, tu pouvais pas dire non à ma proposition."

Le batteur, resté derrière son instrument, en sortit et s'approcha des deux hommes, tendant ses baguettes au politicien.

"Tu vas nous faire une démo, hein ?
-N... Sa... Sa fait deux ans que j'ai pas touché à une batterie, j'pense pas que ce soit le bon plan.
-Moi je suis sur que si. Allez, va s'y, t'as rien à perdre.
-Mais vous, si.
-Arrêtes de dire des conneries et fonce derrière. C'est comme le vélo : ça s'oublie pas, et moi pendant ce temps j'vais skoiter ta bière."

Il n'eu pas le choix, il se retrouvait baguettes en main, presque déjà assit derrière l'instrument, et les guitaristes commençaient déjà. Le retour était bon, l'air ambiant était parfait, la musique prenait possession de l'espace, du temps, et il n'était plus seul. Machinalement il se mit en position. Et il commença à jouer, à improviser.
Au début sa peur se sentait, son jeu était très fluide, trop sûrement, il n'osait pas. Jouer lui rappelait tant de bons souvenirs, il a passé tellement d'heures derrière une batterie qu'aujourd'hui il est incapable de sortir quelque chose de correcte... Jusqu'à ce qu'il décide de ne plus se prendre la tète. Il se laissa porter par le chanteur, le bassiste soutenait son jeu, les guitaristes brodaient autours des différentes impros, et le résultat était à la hauteur.

La chanson se termina, on lui proposa de rester un peu sur scène mais il ne préféra pas, il les remercia ouvertement, il garda les étoiles qui brillaient dans sa pupille. Se rasseyant à sa table il commanda un soda, et écouta ses amis jouer. Ils ne pouvaient pas s'asseoir avec lui, leur contrat leur donnait jusqu'à une heure du matin à animer la soirée, Ava ne tiendrait pas jusque là.
Son soda arriva, dans un soupire les deux années de torture mentale qu'il s'était faite endurée disparurent, les idées noires se dissipèrent et un sourire apparut sur ses lèvres quand son regard se perdit dans son verre.

Il avala d'une traite son soda et alluma son téléphone, profiter de la vie ça voulait également dire utiliser ses acquis... Et ne plus se laisser utiliser, du moins pas sans avoir une compensation équitable. La sonnerie habituelle retentie, son supérieur décrocha quelque peu intrigué par un appel si tardif de son "chien".

"Menacez-moi tant que vous voulez mais je reprends les reines, je veux être en rapport directe avec La Bouche, sans passer par vous, je ne veux plus d'intermédiaire, et je souhaite le salaire qui m'est dut. J'ai fait mes preuves le mois dernier, maintenant j'en ai mare d'être toujours sous pression. Laissez-moi profiter et je resterais fidèle, il me reste plusieurs années à vivre avant de dev'nir sénile, et je compte bien m'en servir au mieux."

Son interlocuteur n'avait même pas dit un mot, il s'était contenté d'écouter. Quelque chose avait changer chez le politicien, on l'entendait à sa voix, il était sur de lui et ne se laisserait plus manipuler. On entendit un léger rire dans le portable, et la réponse mit quelques minutes à arriver.

"D'accord. Tu t'es enfin décider à être raisonnable, j'en suis content, seulement t'auras du mal à être en rapport directe avec La Bouche étant donné que même nous n'arrivons plus à la joindre. Qui sait où il est allé se fourrer. Ce qui fait un post de libre dans l'Ame, un post haut gradé. Je te le proposerai bien si j'étais sur que tu n'en profiterai pas pour continuer tes recherches perso ou pour faire couler l'Ame, mais ton comportement est trop instabl...
-... Je ne vous ai pas demander de me faire confiance, j'vous ordonne juste de me croire.
-Ok
-Ok quoi !
-Ok, je vais faire en sorte que tu obtiennes ce post. Tu m'as convaincu. J'sais pas ce qui t'as fait changer et j'm'en fous royalement, mais si c'est un femme alors remercie là de t'avoir fait abandonner tes idées de bousiller ta vie.
-Au revoir, on ne se reparlera sûrement plus. Bonne continuation.
-Oh que si, on se reparlera au moins pour que je te dises si le post est à toi, ou non. Je ne gère pas ce genre de choses, je dois parler à quelques personnes avant de confirmer cela.
-Des fois je me demande ce que vous gèreriez si j'avais pas eu besoin d'etre encadrer.
-Ahahah, mon p'tit, si tu savais !..."

Ce fut ses derniers mots, il raccrocha là. Ava posa son portable sur la table et se vautra un peu plus sur sa chaise. Ses maux de tètes avaient disparus, alors c'est ça de se sentir bien ? C'est ça de ne se soucier de rien ?... Qu'est-ce que c'est bien !...